Comment composer avec ce que le coronavirus nous amène à vivre
En cette période de Covid, j’ai pensé écrire un petit quelque chose qui pourrait peut-être aider à composer avec cette situation qui est déclencheur d’anxiété et de plusieurs enjeux personnels pour bien des gens. Pour la plupart d’entre nous.
Ce texte se veut un ensemble d’actions pour répondre à cette crise du Coronavirus que nous traversons, en utilisant les principes de la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT). Nous ne visons pas à « régler le problème » (régler le virus ou l’économie nationale) mais plutôt à améliorer l’attitude avec laquelle nous composons avec le problème…
Se concentrer sur les situations sur lesquelles on a du pouvoir
Le Corona virus peut nous affecter de plusieurs façons: physiquement, émotionnellement, économiquement, socialement et psychologiquement. Nous composons tous (ou composerons bientôt) avec tous les réels défis causés par cette maladie, les limites de nos systèmes de santé, les limites de nos supports sociaux et communautaires, leurs limites financières, nos limites financières, etc.
Lorsque nous faisons face à une crise de quelque sorte que ce soit, la peur et l’anxiété sont inévitables. Elles sont des réponses normales, naturelles aux situations perçues comme dangereuses et/ou incertaines. Comme le dit Christophe André, l’humain est allergique à l’incertitude. Il est alors très facile de se perdre dans toutes sortes de ruminations mentales concernant des choses qui sont en-dehors de notre contrôle: Que va-t-il m’arriver? Que va-t-il arriver à mes proches? Que va-t-il arriver à mon village…, à ma ville…, à mon pays…, à la planète…? Mais même s’il est tout à fait normal de se perdre dans de telles ruminations, celles-ci ne sont pas du tout aidantes. Il n’y a aucune corrélation entre le niveau de rumination, l’intensité de nos ruminations et la résolution positive du problème dont il est question. En fait, non seulement nos ruminations ne nous aiderons pas à régler quoi que ce soit, mais en plus ces ruminations ne vont contribuer qu’à nous faire sentir encore plus démunis et anxieux.
Donc, la toute première chose que nous puissions faire qui soit aidante lors de tout type de crise, Corona ou autre, est de mettre notre énergie sur ce sur quoi nous avons du pouvoir, sur les choses que l’on peut changer.
Nous n’avons pas de pouvoir, de contrôle sur ce que nous réserve le futur. Nous ne pouvons pas contrôler le Corona virus ou l’économie mondiale ou comment les gouvernements gèrent tout ce gâchis. Et nous ne pouvons pas non plus contrôler nos émotions, éliminer toutes ces anxiétés et ces peurs qui sont si naturelles. Mais, nous pouvons contrôler ce que nous faisons, les actions que nous posons, ici et maintenant. Les éléments sur lesquels nous avons le plus de pouvoir sont nos actions. N’oublions pas que l’ACT est une approche comportementale, une approche d’action. L’action est thérapeutique. J’ai du pouvoir sur mes actions et c’est sur mes actions que je vais me concentrer.
Ce que nous faisons, ici et maintenant, peut faire une énorme différence pour nous, pour quiconque vit avec nous, et une différence significative pour la communauté qui nous entoure.
La réalité est que nous avons tous beaucoup plus de contrôle sur nos comportements, sur nos actions, que de contrôle sur nos pensées et nos émotions. Notre premier objectif est donc de développer un contrôle sur nos actions, ici et maintenant, pour répondre efficacement à cette crise.
Une journée où je suis triste, ou une autre où je suis joyeux, je peux faire ma course à pieds même si mes émotions fluctuent d’un jour à l’autre.
Comment allons nous faire pour composer avec une telle tempête extérieure et avec une aussi importante tempête intérieure ??? Hé bien, lorsque les grands vents d’une tempête se lèvent, les bateaux du port jettent l’ancre, parce que s’il ne le font pas, ils seront balayés par la tempête. Évidemment, jeter l’ancre ne fait pas disparaître la tempête, les ancres ne peuvent contrôler la température, mais cela peut maintenir la stabilité d’un bateau qui est au port, jusqu’à ce que la tempête passe.
De la même façon, lors d’une crise, nous allons tous éprouver, faire l’expérience de « tempêtes émotionnelles » : des pensées nuisibles qui tournent dans notre tête, des sensations souffrantes qui tournent dans notre corps. Et si nous sommes emportés par ces tempêtes intérieures, il n’y a rien que nous puissions faire concrètement qui soit réellement efficace, qui puisse arrêter ces tempêtes. Donc, le premier pas est de JETER L’ANCRE.
Comment vais-je faire cela, jeter l’ancre ?
Respirer et revenir dans le présent
Cette « Corona tempête » amène de nombreux « hameçons » auxquels nous seront tentés de mordre, nous débattre, nous laisser entraîner par nos pensées et nos émotions d’anxiété, nous laisser fusionner avec ces pensées et ces émotions (les croire, les traiter comme des faits), et agir conséquemment comme par exemple, figer, être colérique, faire de l’évitement, consommer (drogues, alcool, nourriture), etc.
Mais que puis-je faire ???
Comme nous le disions plus tôt, nous ne pouvons pas gérer le Corona virus, ou ce que les gouvernements font pour gérer cette crise, ou prévoir comment cette crise va évoluer, etc. Nous n’avons pas de pouvoir sur cette crise. Par contre, nous pouvons peut-être développer un certain pouvoir sur ce que nous faisons. Sur nos actions.
Les difficultés proviennent donc de comment notre tête nous parle. De ce que notre tête nous dit. De comment notre tête anticipe ou se souvient.
J’aurai donc intérêt à …
1. M’observer.
2. Je vais observer si je suis, soit dans le présent, ou soit dans ma tête
3. Si j’observe que je suis dans ma tête, est-elle en train d’entretenir un discours anxieux? « Ma tête est en train de me dire que ça va aller de mal en pis, que je vais perdre mon emploi ». « Ma tête me dit que je vais attraper le virus». « Ma tête me dit que je serai bientôt dans la dèche ». J’observe que je me laisse emporter par ce discours, que je « fusionne » avec ces pensées (1).
4. Une fois que je me suis observé, que j’ai pris conscience d’être dans ma tête et de fusionner avec des pensées qui sont toxiques (ou tout au moins désagréables), je peux choisir ce que je veux faire de cet état, avec cette façon d’être en relation avec ces pensées. Je demeure dans ma tête ou je reviens dans le présent? C’est à moi de choisir.
Cette façon que j’ai présentement de composer avec la situation fonctionne-t-elle ? Cette façon de faire (être dans ma tête) m’approche t’elle d’un mieux être ou d’une résolution ? Si j’observe, si je constate que cette façon de faire m’aide à régler le problème, à améliorer la situation, amène un mieux être quelconque, j’aurai intérêt à choisir de demeurer dans ma tête et d’écouter et croire les pensées anxieuses de ma tête. Mais si je conclue que d’être dans ma tête n’apporte rien d’autre que du mal-être, ne règle rien, ne fait qu’augmenter mon anxiété, augmenter ma tension corporelle et me donner chaud, il se pourrait bien que je choisisse de revenir dans le présent, de ramener mon attention au présent.
Et comment je fais ça de revenir dans le présent ?!?!?…
Revenir dans notre corps
Revenons et connectons nous avec notre corps physique. Notre corps est un allié fidèle pour nous aider à être ou à revenir dans le présent. Contrairement à notre tête, notre corps est dans le présent. Toujours dans le présent. Il est « pris » ici, dans le présent. C’est pour cette raison que nous allons souvent nous y référer pour nous aider à revenir dans le présent. Le corps, la respiration, les cinq sens.
Un exercice: Asseyez vous confortablement. Fermez vos yeux. Pour les quelques minutes qui viennent, vous allez simplement observer votre respiration. Votre respiration est dans le présent. Votre corps qui respire est dans le présent. Déposez votre attention sur votre respiration. Sur les sensations corporelles reliées à votre respiration. Et observez comment très rapidement votre tête, votre mental, vous entraîne dans des pensées et vous vous retrouvez, sans le vouloir, dans votre tête (même si vous faisiez tout pour demeurer dans le présent avec votre respiration…). À penser à autre chose. À prévoir. À vous souvenir. À penser à l’exercice que vous êtes en train de faire. À être dans la lune. Tout à coup, vous prenez conscience que vous n’êtes plus dans le présent mais plutôt dans votre tête et vous ramenez votre attention à votre respiration, dans le présent, et vous recommencez à observer votre respiration. Rapidement, vous verrez que votre tête va vous entraîner de nouveau dans vos pensées…. Vous êtes en train de faire et de refaire l’expérience 1) d’être dans le présent (dans le corps à observer votre respiration) et de passer à 2) être dans votre tête (votre attention est détournée vers des pensées qui peuvent ne rien à voir avec le présent). Être dans le présent vs être dans notre tête. Être dans le moi présent vs être dans le moi pensant.
Si vous prenez la peine de vous observer, vous verrez comment nous pouvons être entraînés souvent dans notre tête par nos pensées, à croire nos pensées.
Que puis-je faire pour m’aider à être davantage dans le présent ?
Engagez-vous dans ce que vous faites
Reprenez contact avec où et quand vous êtes et recentrez votre attention sur l’action, l’activité que vous êtes en train de faire.
Vous devez trouver votre façon à vous de faire cela. Vous pouvez par exemple utiliser vos sens pour vous aider à être dans le présent.
• Portez attention à ce que vous voyez. Remarquez par exemple 5 choses, 5 items que vous pouvez voir.
• Portez attention à ce que vous entendez. Remarquez 3 ou 4 choses que vous pouvez entendre.
• Portez attention à votre goût et/ou votre odorat. Remarquez ce que vous pouvez sentir ou goûter ou ressentir par votre nez et/ou votre bouche.
• Remarquez ce que vous êtes en train de faire. Vos actions
• Arrêtez-vous cinquante fois par jour pour vous demander « Suis-je dans le présent ou dans mon mental? »
• Terminez l’exercice en mettant toute votre attention à la tâche ou l’activité que vous êtes en train de faire.
Accueillir nos pensées et nos émotions
Reconnaître et accueillir dans la bonté ce qui se présente dans notre vie intérieure : pensées, feelings, émotions, sensations, sentiments d’urgences. Prenons la position d’un scientifique curieux et observons ce qui se passe dans notre monde intérieur.
En passant, un outil qui peut être aidant est de simplement nommer l’émotion ou les émotions présente(s) en la/les cotant sur 10 (x/10). « Ouf, je suis anxieux à 8/10 ». « Je suis frustré à 7/10 ». « J’ai peur, j’ai très peur… à 9/10 ». Cet outil très simple peut aider 1) à prendre conscience de l’émotion (en la nommant), 2) de son intensité (en la cotant) et 3) peut-être d’aller dans le sens de l’accueil et l’auto-compassion. Si je prends conscience de l’émotion qui m’habite et de son intensité, je serai peut-être plus disposé à l’auto-compassion.
Ensuite, repérer et nommer la sensation dans le corps reliée à cette émotion. Par exemple, « je sens cette pression dans ma cage thoracique ».
Accueillir signifie faire de l’espace à ce qui est.
Les émotions et sentiments difficiles vont certainement continuer à apparaître au fil de cette crise: peur, anxiété, colère, tristesse, culpabilité, solitude, frustration, confusion, etc. Nous ne pouvons les empêcher d’apparaître. Elles sont des réactions normales. Mais nous pouvons nous ouvrir et leur faire de l’espace. Reconnaître qu’elles sont normales. Leur permettre d’être (même si elles sont désagréables) et nous traiter avec bonté.
Souvenez-vous, l’auto-bonté est essentielle si vous voulez bien composer avec cette crise. Si vous avez déjà pris l’avion, vous avez déjà entendu ce message: «Lors d’une situation d’urgence, utilisez le masque à oxygène pour vous-même avant de l’utiliser pour aider les autres». L’auto-bonté est votre masque à oxygène. Si vous devez prendre soin de autres, vous le ferez beaucoup mieux si vous prenez d’abord soin de vous-même.
Demandez-vous « Si quelqu’un que j’aime devait traverser cette expérience, ressentir ce que je ressens, si je voulais être bon et aimant avec lui, comment le traiterais-je? Comment est-ce que je me comporterais avec lui? Qu’est-ce que je ferais ou lui dirais? » Essayez ensuite de vous traiter de la même façon.
Traite toi toi-même comme tu traiterais ton prochain…
Et alors, une fois que vous aurez jeté l’ancre, que vous serez davantage dans le présent (plutôt que dans votre tête) et que vous accueillerez davantage vos pensées, vos émotions et votre expérience avec compassion, vous serez plus à même de faire des actions qui soient engagées.
Les actions engagées et le Coronavirus
Une action engagée signifie une action guidée par nos valeurs (2).
Et si nous revenions à notre expérience du Coronavirus et à tout ce qu’il entraîne dans nos vies. Quelles sont nos valeurs, quelles sont les choses ou les personnes qui sont importantes pour nous et pour lesquelles nous serions prêt à vous lever et à défendre?
L’humain est-il important pour moi ?
L’entraide est-elle importante pour moi ?
Le partage est-il important pour moi ?
La santé est-elle importante pour moi ?
La famille est elle importante pour moi ?
Votre conjoint(e) est-il-elle important(e) pour moi ?
Vos voisins sont-ils importants pour moi ?
Les humains sont-ils importants pour moi ?
Et vous pouvez sans aucun doute trouver de vos valeurs personnelles encore et encore.
Ces valeurs sont-elles suffisamment importantes pour changer des choses dans notre vie? Changer de petites choses? Changer de grandes choses?
Comment pourrions-nous mettre ces valeurs en action?
Évidemment, commencer par suivre les consignes d’hygiène comme se laver les mains très souvent et garder une distance de sécurité avec les autres humains que nous croisons.
Mais en plus de ces actions engagées fondamentales et efficaces, vous pouvez vous demander quelles sont les façons simples pour prendre soin de vous, prendre soin de ceux et de celles avec qui vous vivez, et aider ceux et celles que vous pouvez aider. Quelles actions aimables, bienveillantes et solidaires pouvons-nous faire?
Pouvez-vous dire quelques mots aimables à quelqu’un en détresse, en personne ou par téléphone, par texto ou par courriel ?
Pouvez-vous aider quelqu’un dans une tâche ou une corvée, ou lui préparer un repas en allant lui porter à sa porte?
Pouvez-vous réconforter et apaiser une personne malade (téléphone ou Internet)?
Vous pouvez vous informer afin de connaître les numéros de téléphone des lignes d’urgence (urgence santé & urgence psychologique). Rejoignez également vos réseaux sociaux. Et si vous êtes capable d’offrir du support aux autres, faite-le savoir. Vous pouvez être une ressource pour les gens. Tout comme ils peuvent en être une pour vous.
Et si vous passez beaucoup plus de temps à la maison, en auto-isolement ou en quarantaine forcée ou en distanciation sociale, quels sont les façons les plus efficaces, les plus en lien avec vos valeurs d’utiliser ce temps?
Vous pouvez penser à faire de l’exercice physique afin de demeurer en forme, faire de la cuisine, faire des activités qui ont du sens pour vous.
Et si vous êtes famillier/ère avec l’ACT ou d’autres approches centrées sur la pleine conscience, comment pouvez-vous pratiquer activement certaines de ces compétences de pleine conscience comme l’utilisation de la matrice (https://lucsevigny.ca/2019/12/07/la-matrice-et-la-flexibilite-psychologique/) ou la méditation formelle ou informelle en pleine conscience.
Demandez-vous, tout au long de la journée, « Quelle action puis-je faire ici et maintenant, aussi petite soit-elle, qui pourrait améliorer ma vie ou la vie des gens qui m’entourent, ou des gens de ma communauté? ». Et quelque soit la réponse, faites-le, et engagez vous pleinement ! Passez à l’ACTion.
Conclusion
Il fut question dans ce texte de points que l’on applique tout au long de la vie « normale ». En période de Corona-tempête, ces points, ces outils sont encore et toujours pertinents et aidants.
Il est question de choisir de faire des actions qui soient engagées, c’est-à-dire en lien avec ce qui est important pour nous, malgré nos anxiétés, nos peurs, nos patterns, nos habitudes. Malgré ce que notre tête peut nous dire. D’agir sur ce sur quoi on a du pouvoir. De développer un certain pouvoir sur notre capacité à choisir de vivre dans le présent plutôt que de se laisser entraîner dans notre tête, dans nos pensées qui seront, surtout en période de virus, souvent anxiogènes et toxiques.
C’est certain que toutes ces techniques, tous ces outils ne soulagerons pas la planète du Coronas virus ou ne payerons pas le loyer à notre place, mais peut-être aideront-ils à surnager, à ce que la tempête n’emporte pas notre embarcation sur les récifs.
En résumé, accueillir notre expérience, nos pensées, nos émotions, notre vie et semer ce qu’on aimerait qui pousse…
Prenez soin de vous et bonne fin de journée.
(1) Observez comment nous croyons nos pensées. Comment lorsque notre tête a des pensées anxieuses, notre coeur peut battre plus vite et que nous pouvons avoir plus chaud. Nous traitons très souvent nos pensées comme des faits. Nous appelons cela « fusionner » avec nos pensées.
(2) Aller vers les gens parce que les gens sont importants pour moi peut aussi entraîner que je serai nerveux, anxieux lorsque j’irai à leur rencontre. Avant j’évitais les gens pour m’éloigner de mon anxiété alors que maintenant je peux choisir d’aller vers les gens parce que les humains qui m’entourent sont importants pour moi, ils sont une valeur. Je peux ressentir encore un peu d’anxiété. Mais plutôt que de m’éloigner des humains pour ne pas ressentir mon anxiété, je choisi d’aller vers les humains parce que ces humains sont important pour moi. La valeur sera le moteur de mes actions. Mes actions seront mes valeurs mises en action.