Luc Sévigny, psychologue

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L’ACCEPTATION EXPÉRIENTIELLE

Un texte sur l’acceptation.  Pertinent puisqu’il est, au départ, question de Thérapie 1) d’acceptation et 2) d’engagement…

Avant de présenter l’acceptation, un petit mot sur l’ACT et sur l’engagement.  Un petit détour.

LA THÉRAPIE D’ACCEPTATION ET D’ENGAGEMENT 

L’ACT, la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement, est une approche du courant des Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC) de la troisième vague.  La première vague était uniquement comportementale alors que la seconde y a inclus l’aspect cognitif.  La première vague se concentrait sur les comportements, sur les actions, sur ce que les humains font.  Une des principales raisons pour orienter son travail ainsi était que seuls les comportements étaient visibles, quantifiables et mesurables (en opposition à la psychanalyse où tout se passait à l’intérieur, dans l’inconscient et donc moins observable).  La deuxième vague, en réaction à cette première vague a inclus l’aspect cognitif à ses recherches.  Il est ici question de ce que les humains pensent.  Le traitement de l’information, les pensées automatiques, les distorsions cognitives, …, et en bout de ligne comment l’humain perçoit le monde qui l’entoure, les humains ainsi que lui-même.

L’ACT, pour sa part, ne renie pas ces deux premières vagues.  Les comportements et les cognitions font aussi partie de cette troisième vague.  Mais l’ACT y ajoute des stratégies d’acceptation et de pleine conscience (mindfulness) dans l’objectif d’augmenter la flexibilité psychologique.  Dans le but d’alléger le présent texte, je vous réfère à un autre texte de ce site qui présente LA MATRICE ET LA FLEXIBILITÉ PSYCHOLOGIQUE.

L’ACT défini la flexibilité psychologique par 6 processus. Ces 6 processus étant 1) notre capacité d’être dans le moment présent, 2) la connaissance de nos valeurs, 3) l’acceptation plutôt que l’évitement et/ou la lutte, 4)la défusion (prendre un pas de recul par rapport aux pensées, émotions, sentiments, expériences), 5) le soi observateur (ou la capacité à s’observer penser, sentir, vivre) et 6) les actions engagées.  L’ACT cible essentiellement LA FLEXIBILITÉ PSYCHOLOGIQUE et dit que celle-ci est constituée de ces 6 processus.

Nos actions engagées seront donc les actions que nous choisirons de faire pour aller dans le sens de nos valeurs, dans le sens de ce qui est important pour nous plutôt que de faire simplement des actions qui nous éloignent de nos souffrances ou qui sont gérées par nos patterns (nos peurs, nos schémas, …, notre « pilote automatique »).  Je ne vais pas au souper d’amis afin de m’éloigner de mon anxiété, pour ne pas me sentir mal, anxieux, ne pas sentir ma peur d’être jugé.  Mais cette action que je fais pour m’éloigner de mon expérience d’anxiété m’éloigne aussi par le fait même de mes amis, m’éloigne de quelque chose d’important pour moi.  En plus, cette action qui est de « ne pas aller au souper » ne m’aide que temporairement dans la gestion de mon anxiété.  Cet outil fonctionne mais à court terme.  Le soir du souper, je serai calme en restant chez moi.  Mais il ne fonctionne pas à long terme et lors du prochain 5 à 7, il est possible et même probable que je demeure encore chez moi pour éviter de nouveau de ressentir mon anxiété.

Ne pas poser cette question en classe « devant tout le monde » pour ne pas ressentir cette peur du jugement qui vous accable.

Ne pas inviter cette femme ou cet homme à souper par peur du rejet.

L’ACT va donc encourager à mieux définir nos valeurs, ce qui va nous motiver à éventuellement faire des choix d’ACTIONS ENGAGÉES.

LES ACTIONS ENGAGÉES

« L’objectif central de l’ACT est de permettre d’engager les actions permettant d’avancer en direction de ses valeurs de vie.  Au cœur de la définition de la flexibilité psychologique est la capacité de pouvoir agir ici et maintenant en direction de ses valeurs, même en présence d’expériences intérieures aversives.  Kelly Wilson a coutume de dire que l’ACT, c’est la pleine conscience plus l’activation comportementale » (2).

C’est en faisant que mes actions soient orientées dans le sens de mes valeurs que j’aurai statistiquement plus de chance de me faire une vie heureuse et nourrissante.  Aller au souper chez des amis.  Aller au 5 à 7.  Poser des questions en classe. En mettant mes valeurs en actions, j’agrandirai ma zone de confort et ma vie sera moins dirigée par mes peurs et davantage par ce qui est important pour moi.  Une vie davantage « sur mesure ».

Et maintenant, comment présenter l’acceptation ?

L’ACCEPTATION 

« Dans les psychothérapies contemporaines, l’acceptation n’est pas cultivée comme une vertu ou une fin en soi.  Elle y est d’ailleurs définie comme de l’« acceptation expérientielle » (3) : il s’agit d’accepter les événements intérieurs, ou événements privés comme les émotions, les pensées, les souvenirs et les croyances.  Accepter signifie donc embrasser l’expérience, quelle qu’elle soit, ici et maintenant, ce qui implique de s’exposer à ses pensées, émotions, sensations physiques… sans tenter d’y échapper ou d’y résister (4).

Accepter plutôt que de lutter.  Accepter plutôt que d’éviter, plutôt que de faire de l’évitement.  Si je ne veux pas vivre ou ressentir telle expérience désagréable, je peux alors me contracter, nier, rationnaliser, bref lutter ou ne pas faire telle action pour en faire une autre et ainsi éviter l’expérience désagréable et son ressenti.

 

Donc, plutôt que de lutter ou d’éviter, l’ACT encourage à accepter.

Certaines expériences sont plus faciles à accepter…

« Les thérapies de la troisième vague encouragent l’acceptation de l’expérience intérieure au profit du changement comportemental.  Elles incitent à accepter ce qui ne peut être modifié dans le but de changer ce qui peut l’être » (5).

Clarifions ici quelque chose.  L’ACT n’encourage pas à tout accepter et ne plus réagir à quoi que ce soit. Accepter mon voisin irrespectueux et bruyant?  Accepter de ne plus parler à personne parce que je suis timide et anxieux? Accepter de me faire marcher sur les pieds?  Non!  L’ACT encourage à accepter ce sur quoi nous n’avons pas de pouvoir et agir ce sur quoi nous en avons.

L’acceptation n’est pas de renoncer ou de se soumettre.  Elle nous permet d’éviter les accès de peine, de colère ou de rage.  Elle est un préalable à la véritable action sereine, à l’action engagée.  L’acceptation n’est pas quelque chose de passif mais au contraire, l’acceptation est une position active.

Parce que la santé physique est quelque chose d’important pour moi, je peux faire des actions.  Je peux …

      • Faire de l’exercice physique.

      • Bien manger.

      • Boire davantage d’eau

      • Ne pas boire de café ou en diminuer la consommation.

      • Ne pas boire d’alcool ou en diminuer la consommation.

      • Mieux gérer mon sommeil.

    Je peux faire des ACTIONS ENGAGÉES qui vont dans le sens de ce qui est important pour moi et je ferai ces action comme je les ferais pour quelqu’un que j’aime et que j’accepte comme il est, avec son anxiété.

    Par contre, il y a des choses sur lesquelles nous n’avons pas de pouvoir.  Quelques exemples :

        • Être pris dans un embouteillage.

        • Certaines « injustices » de la vie.

        • La météo.

        • La maladie.

        • Les douleurs chroniques.

        • La mort.

      Certaines expériences de la vie sur lesquelles nous ne pouvons rien.  L’ACT va ici encourager l’acceptation. Même si cela peut être parfois (souvent…) difficile à faire avec de ces situations de la vie « extérieure », l’ACT va aussi encourager à accepter des expériences difficiles, désagréables de notre vie intérieure sur lesquelles nous n’avons pas de pouvoir non plus.  Quelques exemples :

          • La peine.

          • La tristesse.

          • L’anxiété.

          • La frustration.

          • Le deuil.

        LA MÉTAPHORE DE TANTE IRMA

        Je vais vous présenter une métaphore (l’ACT travaille beaucoup avec des métaphores) où il est question d’acceptation.  Je vais vous présenter LA MÉTAPHORE DE TANTE IRMA.  Vous ne connaissez pas tante Irma?  Tous les ACTivistes connaissent Tante Irma… bienvenue dans le club.

        Imaginez que vous prépariez une fête.  Vous annoncez à votre famille, vos amis et vos voisins qu’ils sont tous les bienvenus.  La seule personne que vous n’avez pas contactée est tante Irma.  Tante Irma, c’est le mouton noir de la famille.  Elle est capable de ruiner l’ambiance en quelques minutes. Elle vous exaspère.  Elle est gloutonne, elle boit trop et elle parle fort.

        Le jour de la fête venu, vos invités commencent à arriver.  L’ambiance est excellente.  La fête bat son plein.  Soudain, on tambourine à la porte : c’est tante Irma!  Que faire ?  Si. Vous ne lui ouvrez pas – vous le savez d’expérience -, elle va tambouriner de plus belle et votre fête sera gâchée.  Si vous essayez de la repousser, elle va s’énerver, refusera de partir, se battra avec vous – et votre fête sera gâchée.  Si vous lui ouvrez de mauvais cœur et vous vous mettez à la suivre de pièce en pièce pour la surveiller, ça risque de l’irriter – et votre fête sera gâchée.  Et si vous pouviez simplement l’inviter à entrer et lui indiquer où se trouve la cuisine, puis retourner porter attention à vos autres invités (6) ?  Est-ce que cela pourrait faire une différence (7) ?

        Cette métaphore présente évidemment comment nous pouvons refuser Tante Irma comme nous pouvons refuser certaines émotions ou expériences intérieures ou extérieures désagréables et comme cette façon de faire peut être, en bout de ligne, contre-productive.  Ce n’est pas parce que l’on veut ignorer une émotion désagréable qu’elle va disparaître.  Au contraire, la nommer et l’accueillir ( « je suis triste », « c’est de la tristesse ») peut faire la différence.

        Pour nous aider à comprendre, nous pourrions placer quelques termes sur une polarité.

        Face à tante Irma (tout comme face à mon anxiété, mes douleurs lombaires, ou quelqu’autre expérience désagréable intérieure ou extérieure de la vie), je peux REFUSER (lutter ou éviter); je peux TOLÉRER (la position « OK d’abord… ») et je peux ACCEPTER (la position « les choses sont comme elles sont, et c’est tout »).  Quatre façons bien différentes de composer avec l’expérience désagréable qui se présente à moi ici et maintenant.

        REFUSER : Dans une position de refus, je refuse de ressentir mon anxiété, ma peine, mon irritation.  Je refuse de ressentir ce mal-être.  Pour ce faire, l’action que je ferai pourrait être de ne pas faire de souper avec mes amis.  Ainsi, je vais m’éloigner de mon mal-être (et de tante Irma) mais je vais aussi m’éloigner de ce qui est important pour moi, soit mes amis…   De cette position va souvent découler des émotions de peine et / ou de colère et des cognitions (des pensées) comme « ce n’est pas juste ».  « C’est à cause de Tante Irma (à 100%) si je me sens ainsi et que je ne fais pas de soupers avec mes amis ».  « Je ne veux pas vivre cela ».  « Pourquoi moi? »  Il appert que ces émotions et ces pensées, ces expériences sont habituellement reliées à s’accrocher à des idées, être dans sa tête et rigide.  Je veux que les choses se passent comme elles se passent dans ma tête et j’y tiens avec rigidité.   C’est injuste et je me braque.

        TOLÉRER : Dans cette position, je vais laisser tante Irma entrer chez moi et participer à la soirée et au souper avec mes amis mais je serai tendu toute la soirée.  Je vais la surveiller sans arrêt du coin de l’œil en grommelant.  Je vais être maussade et je ne profiterai pas réellement de la présence de mes amis que j’aime tant.  Je ne serai pas dans une position de réelle ouverture.  Je ne serai pas vraiment non plus totalement dans mon présent.  Mon expérience de cette soirée sera de l’inconfort et mon souvenir en sera un souvenir de frustration, d’agacement … Je vais la laisser entrer mais ce n’est pas moi qui lui ouvrirai la porte (elle m’énerve trop).  Une position « OK d’abord… » en regardant au plafond…  Souvent, ce que je rencontre est qu’on va faire ces gestes d’acceptation, comme pour donner bonne conscience à notre tête mais que le cœur n’y est pas.  Ce n’est réellement de l’acceptation.

        ACCEPTER : Lorsque j’accepte réellement tante Irma, je vais répondre moi-même à la porte et je l’accueille comme elle est avec tous ses défauts et toutes ses qualités (elle doit bien en avoir aussi des qualités…).  J’ai été capable de prendre un pas de recul émotionnellement (ça, on appelle ça défusionner de nos émotions, un autre des 6 processus ACT!!) et de l’accueillir avec une accolade,  un « hug ».  Je suis capable de la prendre réellement comme elle est malgré tous ses défauts comme je vais accepter réellement ma peine, mon anxiété, mon inconfort, mon expérience intérieure désagréable comme elle est.  Ce réel accueil contribuera à ce que je pourrai réellement profiter du présent (tiens, encore un autre des 6 processus ACT!) avec mes amis et peut-être même avec tante Irma aussi…. Qui sait…

        Ces 3 positions s’inscrivent dans un continuum qui s’accompagne aussi d’une baisse de tension physiologique.  En allant vers l’acceptation, je vais vers le relâchement, la paix intérieure, une quiétude faite d’empathie, même de compassion, de défusion, de sagesse, d’humilité.

        En passant, un point qui me semble important est que, souvent, lorsqu’une personne en vient à prendre conscience de ce qu’est l’accueil et commence à développer une motivation à cheminer dans ce sens, il arrive parfois (souvent?!?!…) que cette personne mette ses énergies à s’observer et à accepter tante Irma mais continue à refuser toutes ces autres choses de la vie qu’elle n’aime pas ou qui amènent du mal-être.  Lorsque nous parlons d’acceptation, il n’est pas question d’accepter une chose, une expérience ou une personne et de refuser toutes les autres!!!!  Lorsque nous parlons d’acceptation, il est question d’accepter la vie, accepter toute de la vie.  Les choses, les expériences, les personnes tout comme s’accepter soi-même.  Je cultive mes capacités d’accueil de la vie dans son entièreté et cela inclut tante Irma.  De la même façon, lorsque la personne anxieuse sera confrontée à l’acceptation, à sa difficulté d’accepter son anxiété, elle devra comprendre qu’il est en fait question d’accepter sa vie, en incluant son anxiété.  Accepter sa vie avec tout ce que cela implique.  Tout l’agréable et le désagréable que cela implique.  En bout de ligne, l’acceptation est davantage une position à la vie plutôt qu’une position face à mon anxiété.  L’acceptation est davantage une position à la vie plutôt qu’une technique.

        Cette acceptation va aussi s’adresser à de petites choses de la vie comme à de plus grandes ou à de très très grandes.  Je peux accepter ou pas d’être pris dans un embouteillage, d’avoir beaucoup de vaisselle à laver, d’avoir un diagnostic médical sévère, que mon enfant ait un diagnostic d’autisme, de me divorcer, de vieillir et de mourir un jour.

        Par analogie, Tante Irma pourrait représenter notre anxiété, nos peurs, nos douleurs physiques, nos douleurs chroniques, nos diagnostiques médicaux, nos TDAH, etc.  Je peux REFUSER/TOLÉRER/ACCEPTER mon anxiété ou mes inconforts comme je peux REFUSER/TOLÉRER/ACCEPTER tante Irma.  C’est moi qui choisis…

        Un autre point que je voudrais souligner en passant est que LA DÉFUSION est un des ingrédients de l’acceptation.  Il me sera très difficile ou impossible d’accepter l’expérience difficile ou désagréable, la douleur, le diagnostic ou tante Irma si je ne prends pas un pas de recul sur l’expérience pour apprécier et reconsidérer cette expérience dans son ensemble.  Par exemple, si je défusionne, si je prends un pas de recul d’avec tante Irma, je pourrai prendre conscience et apprécier qu’elle a aussi certaines autres qualités, qu’elle a un grand cœur, qu’elle a vécu des choses difficiles dans son passé qui peuvent expliquer ses comportements parfois envahissants.  Je change ainsi de lunette.  La défusion va m’aider à considérer l’expérience ou la personne dans son ensemble (8) la « prendre moins personnel », relativiser et vivre mon expérience avec davantage d’équanimité (9).

        Pour faire suite à ce texte, je vous propose de faire un petit exercice expérientiel.  Je ne vais pas l’écrire parce que je ne veux pas qu’on lise l’expérience mais plutôt qu’on
        fasse l’exercice, qu’on vive l’expérience.  Je vais plutôt vous encourager à cliquer sur la photo que vous voyez sur la droite de ce paragraphe et qui vous amènera à une vidéo Youtube.  Cette vidéo présente sur un mode visuel ce que ce présent texte présente sur un mode écrit et il inclut aussi cet exercice que vous pourrez faire avec moi qui vous guiderai dans l’expérience.  Cette expérience sera vécue sous une forme de méditation.  Je vous aiderai pendant ce moment d’expérience à vivre et ressentir la non-acceptation et à ensuite vivre et ressentir l’acceptation (en tout cas, c’est le but de l’exercice).  Comment l’acceptation ne se vit pas uniquement intellectuellement, ne se vit pas uniquement dans la tête mais aussi, et surtout, dans le cœur et dans le corps.

        Plus précisément, l’exercice est à 25:43

        Allez-y et nous nous retrouverons ensuite.  Vous reprendrez la lecture après.  À tantôt!

        Et puis?!?!  Avez-vous fait l’exercice ?  Avez-vous réussi à FAIRE L’EXPÉRIENCE (et non uniquement comprendre l’exercice intellectuellement) de la lutte et de l’accueil et de pouvoir, par effet de contraste, ressentir la différence d’expérience entre les deux?  Si vous avez réussi à faire l’expérience, j’en suis très heureux.  Si vous n’avez pas réussi à faire l’expérience, vous avez probablement compris le principe de l’exercice et je vous encourage à le refaire lorsque vous serez seul.  Commencez par LUTTER pour ensuite ACCUEILLIR et en ressentir la différence.  Vous pouvez exagérer la lutte pour vous aider à ressentir le contraste avec l’accueil.  Vous pourrez peut-être en ressentir une différence dans les émotions, dans les pensées et même dans le corps (10).

        Premièrement, cet exercice est plus complexe qu’il n’y paraît.  On y pratique l’observation, la défusion, notre capacité d’être (et de demeurer) dans le présent ou de revenir dans le présent, de choisir et d’accepter.  Ouf!  Quel programme!

        Deuxièmement, en utilisant un événement de vie plutôt simple et sans grands enjeux de vie pour faire un exercice d’acceptation, la mécanique est ressemblante d’avec une expérience d’acceptation qui concernerait des enjeux plus importants.  Quitter ou pas son/sa conjoint(e), quitter ou pas son emploi, accepter une maladie grave, accepter un handicap, accepter son anxiété, etc…., ou accepter tout événement ou situation de vie qui ne se déroule pas comme nous le souhaitions.  L’exercice est plus simple, les enjeux sont moins lourds mais la mécanique et la sensation d’apaisement, de baisse de tension se ressemble.   Observer, prendre conscience et choisir ()11.

        LE CHOIX DES MOTS

        Il m’est apparu au fil de mes années de clinique que le simple choix des mots pouvait être aidant.

        Notons que dans le contexte de l’ACT, les verbes accepter et accueillir peuvent être synonymes.  Accepter ou accueillir l’anxiété.  Plusieurs font une différence.  Dans le contexte du présent texte, nous considérerons qu’ils sont synonymes.

        Mais plutôt que d’accepter ou d’accueillir, le mot INCLURE me parle souvent davantage (comme dans l’exemple de la vidéo).  Pour bien des gens, le mot accueillir semble un peu …   « ésotérique »…. Hé bien changez de mot, voilà tout!  Pendant l’exercice de la vidéo, il m’a semblé que d’INCLURE les sons dérangeants à mon expérience de vivre ici et maintenant avait plus de sens que de les accueillir.  Plutôt que de lutter contre ces sons, me dire qu’ils ne devraient pas être là, forcer pour développer ma bulle et ne plus entendre ces sons (bref, lutter), je peux baisser mon bouclier et les inclure à mon expérience.  Méditer n’est pas de m’extraire de la vie dans une bulle silencieuse et défensive.  Méditer, c’est vivant.  Méditer, c’est la vie et les sons font partie de la vie.  En incluant ces sons à mon expérience de méditer, je me sens davantage dans la vie (plutôt qu’en-dehors de la vie et dans ma bulle).  Des changements que je peux observer dans mes pensées (« ben oui, il y a des bruits… et puis après»), dans mes émotions (plus serein) ainsi que dans mon corps (plus détendu, plus calme).

        Ce que je peux souvent observer, c’est que nous pouvons nous obstiner avec la vie (ça, c’est d’être dans ma tête plutôt que dans le présent).  On ne veut pas que la vie suive son cours.  On voudrait qu’elle suive un autre cours.  Je ne veux pas que mon épouse souffre d’une grave maladie (ça, c’est la lutte).  Et je me braque face à la vie.  Mais la vie, elle, n’en n’a rien à cirer que je me braque devant elle.  La vie ne fait que ce qu’elle a à faire.

        Une image que je reprends souvent avec des clients est que la vie est comme cette rivière qui a un fort courant.  Beaucoup d’eau.   Beaucoup de vagues.  Beaucoup de rapides.  Une rivière qui gronde au printemps.  Et au milieu de cette rivière, de toutes ces vagues, de tous ces grondements, il ressort une grosse roche.  Pas un caillou.  Une roche.  Une grosse roche.  La vie est comme cette rivière qui suit son cours.  Elle s’en va par là-bas, dans cette direction.  Et moi, je suis sur cette roche et je m’y agrippe de toutes mes forces afin de ne pas être emporté par ce fort courant.  Je suis à plat ventre sur ma roche et je la tiens, je m’y agrippe de mes deux mains.  De mes deux bras.  De tout mon corps.  De toutes mes forces.  Je ne veux pas suivre le cours de la rivière.  Je ne veux pas aller par là-bas.  Je ne veux pas que la vie aille par là-bas et je ne veux pas aller avec elle.  Je refuse cette vie.  Je refuse cette expérience.  Je refuse cette direction.  Je veux rester ici.  Je veux que nous restions tous ici.  Je veux que la vie se passe de telle façon et non pas de telle autre façon.  Je m’agrippe à ma roche et je reçois des bouillons d’eau au visage et je suis tendu dans mon cœur, dans ma tête et dans mon corps.  Dieu que je lutte!   Serai-je capable de lutter ainsi toute ma vie? Voudrai-je lutter ainsi toute ma vie … avec toute cette tension dans le corps, cette peine, cette colère, ce sentiment d’injustice?  Est-ce que je choisi de continuer à vivre cette lutte, cette tension, cette colère, cette peine… toute ma vie???   Je me souhaite d’être un jour capable de lâcher ma roche, suivre le courant de la vie et ACCUEILLIR.  Là, le mot ACCUEILLIR me parle davantage.  Accueillir la vie telle qu’elle est.  Accueillir la maladie.  Si je ne fais que de m’agripper à ma roche, si je ne fais que lutter contre la vie, tout ce temps où je lutterai, je ne serai pas dans le présent.  Si je n’accueille pas la vie, si je n’accueille pas la maladie de mon épouse, de mon amoureuse, le temps qu’elle vivra, qu’elle vive 6 jours, 6 ans ou 60 ans, je ne serai pas dans le présent avec elle.  Je serai à côté d’elle à lutter et à m’agripper à ma roche avec énormément de peine et/ou de colère… et je ne serai pas dans la vie avec elle… Elle sera seule et moi aussi.

        Lorsqu’il est question d’anxiété, il est souvent très difficile pour les gens « d’accueillir leur anxiété ».  J’en suis venu à suggérer d’ACCUEILLIR NOTRE VIE plutôt que d’accueillir notre anxiété.  Accueillir ma vie telle qu’elle est dans tout ce qu’elle est… avec cette anxiété.

        Je peux aussi ACCUEILLIR ma vie, COHABITER avec mon anxiété et INCLURE les bruits dérangeants pendant que je médite.  Vous pouvez utiliser le terme qui vous interpelle le plus.

        Pour maintenant conclure ce texte, j’ai le goût de vous suggérer d’expérimenter.  Un petit exercice qui ne prend que quelques secondes.  Vous pouvez le faire autant de fois par jour que vous le souhaitez.

            1. Pendant que vous faites ce que vous avez à faire, pendant que la vie suit son cours, RALENTISSEZ-VOUS un peu, cela vous aidera à vous…

            1. …OBSERVER. Observer quoi?  Observez si vous vivez une expérience de lutte ou une expérience d’acceptation.  Observez si vous êtes en paix ou si vous êtes en tension.  Êtes-vous en tension, en frustration ou en acceptation face à l’embouteillage où vous êtes coincé depuis 10 minutes?  Observez vos pensées, vos émotions et comment tout cela se vit dans votre corps.

            1. Et enfin, vous pouvez CHOISIR comment vous allez vivre cette expérience, ce moment de vie. Si vous observez que vous êtes en tension, vous pouvez vous demander si c’est l’expérience que vous voulez.  Je demeure en tension ou je respire et je me détends.  Vous n’avez aucun pouvoir sur l’embouteillage mais vous pouvez en avoir sur l’attitude avec laquelle vous vivez cet embouteillage….  « Tiens, je pourrais mettre un peu de musique, respirer et sourire… ».  L’embouteillage ne se débouchera pas plus vite mais…

          Allez!  Essayez!  N’oubliez-pas que c’est vous qui êtes au centre de votre vie.  C’est vous qui êtes au centre de votre matrice…

          Bonne fin de journée et au plaisir!

          _______________________________________________________________

          (1) https://lucsevigny.ca/2019/12/07/la-matrice-et-la-flexibilite-psychologique/

          (2) B.Schoendorff, J.Grand, M.F.Bolduc (2011). La thérapie d’acceptation et d’engagement.  Ed.de boeck

          (3) Block-Lerner, Satters-Pedneault et Tul, 2005.

          (4) Hayes, S.C. (2004).  Acceptance and Commitment Therapy, Relational Frame Theory, and the third wave of behavior therapy.  Behavior Therapy dans Schoendorff 2011.

          (5) Ilios Kotsou, Alexandre Heeren (2011).   Pleine conscience et acceptation.  Ed. de boeck

          (6) Comme porter votre attention sur ce qui est réellement important pour vous malgré les inconforts intérieurs.

          (7) B.Schoendorff, J.Grand, M.F.Bolduc (2011). La thérapie d’acceptation et d’engagement.  Ed.de boeck (p.286)

          (8) Tante Irma n’est pas uniquement cela.  Elle n’est pas uniquement envahissante, monolithique.

          (9) L’équanimité est un terme que j’ai personnellement appris lorsque j’ai rencontré l’ACT….  L’équanimité (égalité d’âme, d’humeur[1]) est une disposition affective de détachement et de sérénité à l’égard de toute sensation ou évocation, agréable ou désagréable (https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Accueil_principal ).  En gros, ça veut dire de prendre les choses plus posément, « respirer par le nez »…

          (10) Cet exercice qui oppose la lutte et l’accueil est conçu dans l’esprit des relaxations de E. Jacobson qui opposent la tension physique à la détente physique.  Bien ressentir la tension nous aide à bien ressentir la détente par effet de contraste.  Bien ressentir la lutte nous aide à bien ressentir l’accueil aussi par effet de contraste.

          (11) J’ajouterais que même si on ne choisit pas, on choisit toujours…

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